Quelle que soit son origine, le Traminer a été planté dans toute l’Alsace depuis le début du 18ème siècle. A Heiligenstein, une partie de la colline de l’Au lui était réservée et possédait une nature du sol idéale pour la culture du Savagnin Rose. Mais ces terrains, appartenant à l’Evêché de Strasbourg, étaient occupés par de maigres pâturages à la disposition de Heiligenstein et des villages voisins, qu’il fallut donc déloger. Ce ne fut pas chose facile, et les démarches, pétitions, procès s’enchaînèrent. C’est finalement Ehret Wantz, alors bourgmestre du village, qui sut convaincre les Echevins de Strasbourg en 1742, alors réunis en Grand Conseil. Ceux-ci autorisèrent enfin l’extension du vignoble sur une partie de la « Au ».
Devant la grande qualité du vin obtenu, les Echevins accordèrent en 1753 une nouvelle extension du vignoble. Mais le texte stipulait déjà que la dîme devrait dorénavant être payée en Klevener de Heiligenstein et non plus en vins courants : il en valait plus du double ! Les communes voisines, opposées à toute nouvelle réduction des pâturages, envoyèrent leurs troupeaux brouter dans les vignes ! Il faut noter qu’à cette époque, et dans toute l’Europe, on assistait alors à ce phénomène de « privatisation » des communaux, vaines pâtures et autres Allmend. C’était la victoire de l’agriculture intensive sur les pratiques anciennes qui autorisaient chacun (et plus particulièrement les gens modestes et sans terres) à faire paître leur vache ou leurs trois chèvres sur des terres collectives que se partageaient les villageois.
Parallèlement à ce mouvement, et dans tout le vignoble alsacien, le traminer perdait du terrain face à son éternel concurrent, le gewurztraminer, qui prit progressivement sa place un peu partout dans le vignoble. Les guerres et occupations allemandes ayant fait délaisser ce cépage à petit rendement, le Klevener de Heiligenstein connu un déclin important au début du 20ème siècle. Ce cépage était à deux doigts de disparaître, puisqu’en 1970, il ne restait que 3 ha de Klevener en production. Les vignerons de Heiligenstein, conscients de la menace et forts de la splendeur passée de cette production, demandèrent une reconnaissance à l’INAO. Elle leur fut accordée par le décret du 30 juin 1971 complétant l’ordonnance de 1945 qui définissait le statut des vins d’Alsace. Mais il fallut attendre le décret du 4 février 1997 pour que la délimitation de l’AOC Alsace – Klevener de Heiligenstein soit enfin entérinée.